Une ascension est un récit que Ludwig Hohl commença à écrire en 1926, réerivit six fois jusqu’en 1940, puis laisea reposer plus de trente ans avant de lui donner sa forme défi-nitive. Ce texte a, dans son œuvre, la même importance que, dans celle d’Hemingway, Le vieil homme et la mer. Cette prose, qui ne semble pas viser à autre chose qu’à l’expression la plus concise et la plus réaliste, mais qui renvoie sans cesse au-delà d’elle-même, décrit en réalité une parabole.
Deux jeunes hommes partent faire l’ascension d’une mon-tagne; l’un, énergique, lève les yeux vers le but et voit «…un grand navire qui ne ferait pas seulement route dans l’océan des terres, mais dans l’éternité ». L’autre, indécis, n’est qu’un suiveur. Après quelques péripéties, il abandonne et fait demi-tours. L’alpiniste poursuit la course en solitaire et commence, dès qu’il atteint le sommet, à vivre consciemment, pas à pas, prise à prise, sa longue agonie. Le lâche, lui, trouve une mort instantanée, alors que, de retour dans la vallée, il tombe par imprudence dans un torrent. La prière de Rilke pour l’obten. tion d’une mort «bien à soi» est prise ici à rebours. La mort corrige ce que la vie peut avoir de partial, elle intervertit les rôles : «… et la question surgit – absurde, peut-être – de savoir s’ils n’auraient pu en faire autant, au moins un peu – dans la vie ? »
Ludwig Hohl, Suisse allemand, est né en 1904. Le prix Robert Walser, décerné à Une ascension, a fait connaître du grand public cet écrivain qui, jusqu’à présent, n’était apprécié que par ses pairs: Max Frisch, Adolf Muschg, Dürrenmatt.
