L’Histoire de France qui est présentée ici à de jeunes lecteurs n’a point la prétention d’être un résumé, même succinct, des événements qui se sont déroulés entre l’an mil et nos jours. L’introduction placée à la tête de chaque chapitre rappelle l’évolution générale; mais le texte lui-même est centré autour de faits ou de personnalités caractéristiques, par exemple pour le Moyen-Age autour de la vie et de l’exploitation seigneuriale, pour la Révolution française et l’Empire autour de Robespierre et de Murat. Des localités précises, ayant valeur d’exemple, sont habilement choisies : Bordeaux pour la période des Lumières, les mines du Nord pour rendre compte de l’exploitation capitaliste de la classe ouvrière au XIXe siècle.
L’ouvrage étant ainsi compris, le danger résidait dans la juxtaposition de touches successives, sans que la trame du récit puisse apparaitre avec assez de rigueur. En fait, le livre a un héros commun, le peuple qui travaille et qui souffre, dont le sacrifice a permis l’essor de la France, mais n’a jamais été payé de retour. Histoire qui est inspirée dans ses grandes lignes par Michelet, mais qui fait connaître les acquisitions de l’historiographie contem-poraine, les thèses de Duby, de Goubert, de Soboul, de Louis Chevalier, pour n’en citer que quelques-uns. Car ce n’est pas ici la splendeur des cours, le machiavélisme de la diplomatie, les appétits des classes dirigeantes qui sont évoqués, mais l’envers d’une société : le travail de ceux qui forgent pour d’autres les instruments de l’exploitation et de la puissance. D’où l’importance donnée aux mouvements de révolte (Étienne Marcel, les émeutes paysannes du XVII° siècle, les mutineries de la Première Guerre mondiale); d’où la conclusion de l’ouvrage, qui rappelle, à propos du Général de Gaulle, que « la grandeur d’un pays, c’est aussi le bonheur de son peuple ».
Les jeunes lecteurs de ce livre ne découvriront pas, certes, la très grande érudition dont il est porteur, ni le sens du concret de ses auteurs, ni l’intelligence sélective qui a présidé au choix des moments caractéristiques.
Mais ils apprendront, et sans doute avec émotion, que l’aliénation du travail de l’immense majorité du peuple n’a jamais servi qu’un tout petit nombre de puissants, qu’ils s’appellent seigneur, monarque, capitaliste, conquérant colonial. Puisse-t-il donc éveiller chez eux l’esprit critique et l’envie de travailler à réaliser un monde meilleur!
JACQUES DROZ
Professeur à l’Université de Paris /