Du 1er janvier 1927 – il a seize ans – jusqu’à son décès en avril 2004, Marcel Mathiot a tenu ses carnets. Une page par jour, datée, titrée et écrite d’une belle plume. Cela, pendant soixante-dix-sept ans ! Il parle de son métier de maître d’école, de la guerre de 14, du Front populaire, de la honte de son pacifisme aveugle avant et durant l’Occupation, des livres d’histoire dont il regrette d’en avoir enseigné les mensonges officiels, de ses lectures, Montaigne, Kundera, Voltaire, Anatole France, Romain Rolland, Apollinaire et autres chanteurs poètes. Le 23 janvier 2000, après soixante-huit ans de vie commune, Marcel perd sa femme et redevient célibataire. Ses carnets lèvent alors le voile sur ses nombreuses et durables liaisons : Hélène, « le grand amour de ma vie, le seul véritable » ; Mado, quatre-vingt-six ans, « la plus proche, la plus sensuellement connue », avec qui la passion érotique est si intense qu’elle l’effraie parfois ; Lili, « la plus intelligente, celle avec qui j’aurais pu vivre raisonnablement » ; Emma, jeune femme de trente-cinq ans, « qui me déclara un amour inattendu »… Marcel refuse de porter un costume de vieillard. Il n’a acquis aucune sagesse. Tout au contraire, il est plus fringant, plus séducteur, plus viril qu’à vingt ans. Nulle perte de mémoire. À quatre-vingt-dix ans, sa vie sexuelle et amoureuse est flamboyante. Marcel se donne comme un jeune marié et se raconte sans fard.Écrit dans une langue admirable, ce document exceptionnel bouscule l’image asexuée du quatrième âge. Il est une belle leçon d’amour de la vie de la part de celui qui aima non seulement les femmes, mais aussi la littérature, la gastronomie, l’humour, la nature. Un homme qui, jusqu’à la fin, refusa avec énergie la marque du temps, un homme définitivement fait pour être jeune.